L’annulation d’une décision de préemption d’un bien immobilier
Par un jugement du 2 février 2024, le Tribunal administratif annule une délibération par laquelle une commune a décidé de préempter un bien immobilier qui avait fait l’objet d’un compromis de vente entre le vendeur et l’acheteur.
L’acheteur a saisi le Tribunal d’une requête en annulation de cette délibération.
En droit, s’agissant de la justification de la préemption, le Tribunal administratif relève classiquement que :
« Les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300 1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ».
En l’espèce, pour justifier l’exercice de son droit de préemption et de la réalité de son projet, la commune avait fait valoir que les parcelles litigieuses ont été préemptées dans le cadre d’un projet de création d’une maison médicale ayant vocation à permettre aux praticiens, jusqu’alors installés dans des locaux communaux anciennement à usage de salles de réunion, de bénéficier de locaux adaptés à l’exercice de leurs fonctions. De plus, ce projet devait s’inscrire plus largement dans l’objectif de proposer des services de proximité à ses habitants, en organisant son territoire autour de trois pôles principaux constitués autour de trois communes.
Toutefois, d’abord, le Tribunal a relevé que la Commune se bornait à se prévaloir d’un projet, abandonné, de transformation d’un presbytère en maison médicale en 2019, et d’une réunion organisée avec les professionnels de santé le 17 décembre 2021, le courrier d’invitation à cette réunion étant toutefois dépourvu de toute indication relative à la teneur de la réunion organisée et ne permettant pas d’établir que le projet de création d’une maison médicale y aurait été abordé.
Ensuite, les différentes lettres d’intention des praticiens écrites postérieurement à la décision de préemption témoignant leur intérêt pour le projet de maison médicale n’étaient pas de nature à établir l’antériorité du projet.
En outre, les parcelles litigieuses avaient déjà fait l’objet d’une promesse de vente en 2020 et la commune n’avait pas souhaité exercer son droit de préemption à cette occasion.
Enfin, la surface totale du bien préempté s’étend sur 7 654 m² pour 1 102 m² de bâti alors que la maison médicale projetée n’a vocation à accueillir que sept à huit praticiens.
Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la commune ne justifiait pas de la réalité d’un projet d’action à la date de la décision de préemption doit être accueilli, et la décision de préemption est annulée.
TA Caen 2 février 2024, n° 2200790